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Si les Rolling Stones avaient raison?

Vous est-il déjà arrivé de vouloir quelque chose si intensément et d’en rêver au point de ne pas voir la chance que vous aviez?  Pendant que vous y pensez, voici un bel exemple.

Mon père était un entrepreneur, un marchand de bois. 

Grand père avec son petit fils

Mon père avec son petit fils

Il est né le 26 novembre 1918; je sais ça fait longtemps.  C’était une époque où les hommes rêvaient d’un fils pour perpétuer leur noms, leur compagnie,…

Mon père n’était pas différent, il rêvait d’avoir un fils, pour qu’un jour celui-ci prenne la relève de sa compagnie où il travaillait très fort avec beaucoup de passion : Bois Péladeau.

Un jour, ma mère visitait son médecin.  Elle prenait du poids, ses hormones lui jouaient des tours.  Il n’y avait pas de petits « tests à ligne bleu » dans le temps, alors elle est allée voir le médecin qui l’a vue trop rapidement et lui a annoncé qu’elle était enceinte.

Tout le monde était bien excité, mon père a mis les bouchées doubles au bureau, heureux à l’idée de la possibilité d’avoir enfin son fils.  Il acheta une nouvelle maison car la dernière n’était pas assez grande pour la famille qui s’agrandissait.

Les mois passèrent, ma mère retourne voir le médecin pour un deuxième rendez-vous de grossesse.  Il lui apprend qu’elle n’est pas enceinte.  Il s’est trompé, elle a un fibrome, dangereusement gros et elle doit être opérée, en toute urgence!  Il lui annonce également qu’elle ne pourra plus jamais avoir d’autres enfants.  Tout cela sur un ton froid et arrogant sans aucune empathie.

Ma mère est dévastée.  Mon père furieux.

Mon père devait faire son deuil mais en même temps avait été hyper inquiet pour la santé de sa femme, ma mère, sans oublier le stress de son nouvel achat : une maison!  C’était pour lui inconcevable qu’un médecin fasse une telle erreur. Il le trouvait insouciant et inhumain.  Mon père ne l’avait jamais rencontré mais il se disait bien : « si jamais je le croise… »

La vie est pleine de surprises!  Un jour, mes parents étaient invités à un cocktail chez des amis.  Comme le veut la tradition, on prend une bouchée et on serre la main des gens en se présentant.  Le hasard a voulu que le « fameux » médecin se présente devant mon père et étale longuement son titre avant son nom.  Inutile de vous dire que lorsque papa entendit son nom en lui serrant la main, et leva les yeux sur lui, le pauvre médecin eu peur à sa vie.  Ma mère a dû sortir mon père du « cok-e-tail » très rapidement car elle aussi eut peur pour la vie de celui-ci aussi!

Bon, finalement ma mère a calmé mon père et ils se sont réconfortés en se disant qu’ils étaient bien chanceux d’avoir deux belles filles en santé!

La vie continue.  Maman a organisé une vente de garage et pour l’aider à traverser son deuil, elle a tout vendu, tout ce qui pouvait lui rappeler la venue d’un bébé.

Comme la vie est pleine de rebondissements, les semaines passèrent et ma mère apprit que malgré le fait qu’on lui avait annoncé qu’elle n’aurait plus jamais d’autres enfants, elle était enceinte et que ce beau bébé (moi 😊) allait se présenter pour le printemps!

Hors donc, mes parents m’ont eue sur le tard.  J’étais un accident.  J’aime penser que j’étais un « heureux » accident.  Possible que mes sœurs aînées n’étaient pas toujours du même avis!

Pauvre papa comme les Rolling Stones chantent : « You can’t always get what you want but you get what you need”  Tu ne peux pas toujours avoir ce que tu veux mais des fois tu as ce que tu as besoin.  Peut-être que mon père n’avait pas besoin d’un garçon mais de trois filles!

Family wedding photo

Mon mariage

Pourquoi je vous dis tout cela?

Peut-être parce qu’avec tout ce qu’on traverse, je réalise que moi aussi j’ai tout ce que j’ai besoin.  J’aimerais faire plus de contrats, plus de voyages, j’aimerais recevoir mes amis et ma famille mais, peut-être qu’en ce moment, j’ai besoin de réaliser combien je suis chanceuse avec ce que j’ai déjà.

Pourtant, une bonne partie de ma vie, j’avais toujours hâte à quelque chose dans le futur : Étudier à Boston (car ce serait plus excitant, never happened), mon deuxième enfant (qui n’est jamais venu), le gros party du 31 décembre (qui est souvent un peu plate),…

J’ai tellement souvent entendu dire : « J’ai assez hâte à mes vacances!  J’ai assez hâte à ma retraite ».  Comme si on vivait toujours dans le futur.  Et si toute cette crise que nous traversons est pour nous apprendre à être plus connecté, plus conscient, à vivre le moment présent, parce qu’on ne sait jamais ce qui nous attend.

Je suis une rêveuse, une idéaliste, je veux souvent plus plus plus, mais je réalise que mes moments les plus heureux, les plus précieux ne sont pas accompagnés de grande musique et de feux d’artifices.

Quand je pense aux plus beaux moments de ma vie étrangement ce sont des petits moments.

La fois où mon fils qui avait 4 ans m’a apporté mon cadeau de fête des Mères au lit :  un beau bracelet en plastique qu’il avait fait à la garderie que j’ai encore.

Plastic beaded bracelet

Le bracelet de mon fils

Chaque 28 mai lorsque je célèbre mon anniversaire entourée de mes amis d’enfance, le moment où je m’arrête un instant pour vivre observer chacun d’eux, et je me dis combien je les aime.

Quand je suis avec ma famille, mes sœurs, mes neveux, mon mari, mon fils et qu’on joue à la dame de pique et que ma sœur Carole essaie de faire le contrôle et on rit aux éclats!

Quand le vendredi soir, c’est « pizza night », et que je m’assois sur le sofa au bord du feu avec mon amoureux pour écouter un bon film, boire nos « gin & tonic » qu’il nous prépare avec amour et qu’il me joue dans les cheveux!

Quand mon fils du haut de ses 6 pieds et ses dix huit ans, me dit : « bonne nuit, je t’aime » le soir avant de se coucher.

Quand je marche avec ma chienne tous les matins et qu’elle se tourne vers moi comme pour me dire : «t’as vu comme c’est beau autour de nous? »

Des fois le temps passe et tu réalises que ce que tu voulais intensément, ce n’était peut-être pas ce que tu avais besoin.

Mon père avait toujours rêvé d’un fils mais la vie a fait les choses autrement et lui a donné à la place trois filles qu’il a adorées et finalement quelques années plus tard…trois petits-fils dont ils étaient très fier.

Grandpère et ses petits fils

Mon père avec ses deux petits fils

Le bonheur dans la vie ne se retrouve pas dans le futur mais dans le quotidien.  À tous les jours, on peut y trouver des petits bijoux si on ouvre assez grand les yeux.

Finalement les Rolling Stones avaient bien raison, tu ne peux pas toujours avoir ce que tu veux mais tu as ce que tu as besoin.  Merci Mick!

Si vous avez aimé cet article, partagez-le, qui sait, il pourrait faire du bien à un ami.

Attention à vous,

LiZ

L’Héritage de ma mère

C’était le vendredi 13 novembre…2009.  Quelle année!  Michael Jackson et Farah Fawcett qui avaient marqué mon adolescence, ont disparu.  La fièvre Obama battait son plein.  Mais pour moi c’était une des plus dures années de ma vie pour une toute autre raison.  Avant d’y arriver, laissez-moi vous parler de Gisèle.

Gisèle c’est ma mère. 

Elle est née le 15 février 1929 à Pointe-aux-Trembles.  Elle était l’aînée de 10 enfants : Gaston, Yvon, Claude, Renée, Paul, Janine, Huguette, Jocelyne, Vivianne.  A cette époque, le curé visitait régulièrement les familles pour les « encourager » à élever des grosses familles.  Mon grand-père aimait donc beaucoup le curé.  Ma grand-mère, pas vraiment.  Le curé lui faisait la morale, « si tu ne fais pas 10 enfants tu iras en enfer! » lui disait-il.  Alors ma grand-mère s’endormait souvent sur la table de la cuisine avant d’aller se coucher. Un, parce qu’avec 10 enfants vous imaginez bien que faire à manger et faire la vaisselle c’était particulièrement long et 2, après la visite du curé, elle n’était pas pressée de retrouver mon grand-père au lit!

Vintage sepia photo of woman

Maman dans ses vingtaines

Gisèle avait de beaux yeux pairs des fois bleus, des fois verts, des fois gris mais toujours perçants!

Elle aimait beaucoup les enfants.  Heureusement, car une bonne partie de son temps elle le passait à s’occuper de ses frères et sœurs.  Étant l’aînée elle devait  donner le bon exemple et être responsable!

À 17 ans, elle en avait assez d’être « responsable » alors elle quitta la maison de ses parents.   Elle voulait être indépendante et être comme sa tante préférée : une dessinatrice de mode!  Alors elle se trouva un travail comme couturière.

En 1948, Gisèle a 19 ans et elle rêve d’un homme en uniforme.  La guerre vient de se terminer et les soldats canadiens sont perçus comme des superhéros.  Elle rencontre Jean, onze ans son aîné, c’est le coup de foudre, pour les deux.  Elle veut être la femme au foyer parfaite alors elle prend des cours de diction, de cuisine et tout pour être la femme au foyer parfaite.

« Fast forward »- six ans plus tard, Jean et Gisèle se marient et ont trois filles. 

Bride and three other women smiling

Maman heureuse avec ses trois filles

Ma mère était fantastique.  Une belle joie de vivre.  Elle aimait chanter dans la voiture Aznavour, Bécaud et Reggiani.  Elle adorait le piano alors les trois filles ont appris le piano.  Elle adorait les gens et ils lui rendaient bien.

Elle passait plusieurs heures au téléphone avec Madeleine, Florence et plusieurs autres.  Si quelqu’un voulait dire une méchanceté sur une connaissance, elle venait vite à la défense de celle-ci.  Oui, c’était franchement une bonne personne.

Tous les soirs, elle préparait un bon souper car elle trouvait important notre souper en famille.  Tous les matins pour le petit déj, toutes les céréales étaient sorties sur une belle table avec le jus d’orange fraichement pressé.  Des fois même avec une petite note « Bonne chance dans ton examen aujourd’hui! »

C’était bien important que ses filles soient en santé alors elle était une des pionnières de l’achat de pain brun et des céréales santé « Swiss ».  Si on était chanceuses (pas vraiment), elle nous faisait un bon jus santé de son extracteur à jus : pomme- carotte-céleri.  Ah, et il ne faut pas oublier la grosse cuillerée d’huile de foie de morue pour finaliser ce cocktail santé! (eurk!)

Elle avait un cœur d’or.  Elle recevait ses amis, nos amis, la famille,…tout le monde était toujours bienvenu.

Woman and child in swing

Maman jeune de cœur avec mon fils

Pour les concours de costumes d’Halloween, à l’école elle a souvent passé des nuits à me faire des costumes.  Souvent je n’arrivais pas à gagner les concours car les costumes de Gisèle étaient si bien faits qu’on les croyait loués!  J’ai donc été une bouteille de 7UP, une moufette (I know) et Kermit la grenouille (Sesame Street) entre autres.  Elle aurait probablement été une excellente designer mais elle a choisi d’être notre mère.

Gisèle était belle.  Elle ne portait pratiquement pas de maquillage et n’a jamais eu une ride.  Elle était coquette et féminine.  Souvent en jupe ou en robe, avec un petit soulier élégant.

Elle a toujours eu une santé de fer.  Je ne sais pas si c’était l’huile de foie de morue, la mélasse ou l’ail qu’elle mettait partout.  Est-ce que je vous ai dit qu’elle cuisinait merveilleusement bien?

Elle faisait la gentille rigolote mais une fois assise à la table de bridge avec les « femmes », elle surprenait souvent en gagnant la 1ère place!

J’ai adoré cette femme. 

Bride and mother smiling

Maman à mon mariage

C’est pour cette raison qu’en 2009 je lui ai consacré tout mon temps.  Pas toujours facile quand tu as un enfant de 8 ans.  C’était important pour moi de vous peindre son portrait car quand on parle d’une dame de 80 ans souvent on imagine une personne âgée sans importance.  C’est rarement le cas.  Les personnes âgées sont souvent des jeunes personnes prisonnières d’un vieux corps qui ne reflète pas la jeunesse de leur cœur.

En 2008-2009, j’ai déménagé ma mère 4 fois.  J’ai visité l’hôpital avec elle j’ai arrêté de compter le nombre de fois.  On lui avait diagnostiqué un cas d’Alzheimer.  Comme si ce n’était pas assez, son cancer du sein a récidivé.  J’étais brûlée, épuisée et mes sœurs aussi.  Mon cœur était brisé en mille morceaux.  Le médecin lui donnait de 3 à 6 mois.  Je ne pouvais imaginer ne plus la voir.  Mais je me comptais chanceuse de pouvoir être avec elle tous les jours.  Je restais très forte devant elle.  J’imaginais toujours le pire.  Je prenais toujours une grande respiration avant d’entrer dans la résidence et pourtant.  Croyez-le ou non, même à l’approche de sa mort, j’ai vécu les moments les plus purs avec elle.  Il y avait une connexion extraordinaire entre nous.

Souvent quand elle n’était pas malade, je suis triste de l’avouer mais je pense que je la prenais pour acquis.  Elle avait toujours été tellement en santé et elle avait toujours des petites joues roses que j’imaginais qu’elle allait certainement vivre jusqu’à 90, 100 ans.  Alors j’étais souvent pressée, parfois impatiente, pas vraiment présente.  Mais là maintenant que je savais que ses jours étaient comptés, elle avait toute mon attention.

J’avais peur d’entrer dans son appartement mais une fois là, je ne voulais plus la quitter.  Souvent elle dormait dans sa chambre et je restais dans la pièce à côté.  Je restais aussi souvent près d’elle à écrire.  J’avais l’impression que je ne faisais rien et pourtant le temps passait si vite.  Je voulais l’arrêter.

Une des dernières fois que j’étais avec elle, j’avais l’impression d’être avec mon enfant.  Je me suis couchée à côté d’elle en la gardant dans mes bras.  Elle ne parlait presque pas.  Cette fois-là, elle m’a dit doucement, « ça fait du bien ».  C’était un beau cadeau.  Une autre fois on s’est regardé, et j’ai senti plein d’amour dans ses yeux, elle m’a fait un beau sourire et m’a dit « ma Zabeth » le surnom qu’elle me donnait petite, j’ai eu un flashback, je me suis sentie comme si j’avais 5 ans.  Un amour incroyable m’a envahie.  Elle était bien là Gisèle, elle était bien là ma mère.

Le vendredi 13, quelques minutes avant minuit elle s’est éteinte.  Elle m’a tout donné et à mon tour j’ai essayé de tout lui donner.  On a fait le tour de notre amour.

 

Aujourd’hui, c’est le vendredi 13, 2020.

Ma sœur me demandait si j’étais triste.  La réponse est non.  C’est certain que j’aurais voulu garder ma mère pour toujours mais on sait que ce n’est pas possible.  C’est le cycle de la vie.  Avec le temps, on comprend et on l’accepte.

On attache beaucoup d’importance aux derniers moments de vie, mais ce qui compte c’est l’héritage qu’un parent nous laisse :  les bons souvenirs, les petits moments de bonheur, l’amour qu’on a ressenti, les bons repas qu’on a partagés, les leçons de vie et les valeurs qu’on pratiquera et les traditions qu’on continuera avec la prochaine génération.

Non, je ne suis pas triste parce que je la sens toujours là.  Je commence ma journée avec sa voix « n’oublie pas ton petit-déjeuner, c’est le repas le plus important de la journée » et étrangement je me retrouve à le répéter à mon tour à mon fils!  Toute la journée j’entends sa voix.

Woman and child on yellow slide

Maman heureuse Mammy

Elle est toujours là.  Dans ma routine de tous les jours, dans mes sœurs, ses sœurs, mes neveux, mon fils.  Dans chaque repas que je prépare, je me vois avec elle dans sa cuisine, heureuse à l’idée de rassembler tout le monde autour de ses bons plats et sa belle table.

On ne meurt pas.  Il y a une partie de leur énergie qui reste.  Je ne comprends pas tout, mais je sais que tant qu’il y a de l’amour on ne meurt jamais!

Attention à vous,

LiZ