L’Héritage de ma mère

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C’était le vendredi 13 novembre…2009.  Quelle année!  Michael Jackson et Farah Fawcett qui avaient marqué mon adolescence, ont disparu.  La fièvre Obama battait son plein.  Mais pour moi c’était une des plus dures années de ma vie pour une toute autre raison.  Avant d’y arriver, laissez-moi vous parler de Gisèle.

Gisèle c’est ma mère. 

Elle est née le 15 février 1929 à Pointe-aux-Trembles.  Elle était l’aînée de 10 enfants : Gaston, Yvon, Claude, Renée, Paul, Janine, Huguette, Jocelyne, Vivianne.  A cette époque, le curé visitait régulièrement les familles pour les « encourager » à élever des grosses familles.  Mon grand-père aimait donc beaucoup le curé.  Ma grand-mère, pas vraiment.  Le curé lui faisait la morale, « si tu ne fais pas 10 enfants tu iras en enfer! » lui disait-il.  Alors ma grand-mère s’endormait souvent sur la table de la cuisine avant d’aller se coucher. Un, parce qu’avec 10 enfants vous imaginez bien que faire à manger et faire la vaisselle c’était particulièrement long et 2, après la visite du curé, elle n’était pas pressée de retrouver mon grand-père au lit!

Vintage sepia photo of woman

Maman dans ses vingtaines

Gisèle avait de beaux yeux pairs des fois bleus, des fois verts, des fois gris mais toujours perçants!

Elle aimait beaucoup les enfants.  Heureusement, car une bonne partie de son temps elle le passait à s’occuper de ses frères et sœurs.  Étant l’aînée elle devait  donner le bon exemple et être responsable!

À 17 ans, elle en avait assez d’être « responsable » alors elle quitta la maison de ses parents.   Elle voulait être indépendante et être comme sa tante préférée : une dessinatrice de mode!  Alors elle se trouva un travail comme couturière.

En 1948, Gisèle a 19 ans et elle rêve d’un homme en uniforme.  La guerre vient de se terminer et les soldats canadiens sont perçus comme des superhéros.  Elle rencontre Jean, onze ans son aîné, c’est le coup de foudre, pour les deux.  Elle veut être la femme au foyer parfaite alors elle prend des cours de diction, de cuisine et tout pour être la femme au foyer parfaite.

« Fast forward »- six ans plus tard, Jean et Gisèle se marient et ont trois filles. 

Bride and three other women smiling

Maman heureuse avec ses trois filles

Ma mère était fantastique.  Une belle joie de vivre.  Elle aimait chanter dans la voiture Aznavour, Bécaud et Reggiani.  Elle adorait le piano alors les trois filles ont appris le piano.  Elle adorait les gens et ils lui rendaient bien.

Elle passait plusieurs heures au téléphone avec Madeleine, Florence et plusieurs autres.  Si quelqu’un voulait dire une méchanceté sur une connaissance, elle venait vite à la défense de celle-ci.  Oui, c’était franchement une bonne personne.

Tous les soirs, elle préparait un bon souper car elle trouvait important notre souper en famille.  Tous les matins pour le petit déj, toutes les céréales étaient sorties sur une belle table avec le jus d’orange fraichement pressé.  Des fois même avec une petite note « Bonne chance dans ton examen aujourd’hui! »

C’était bien important que ses filles soient en santé alors elle était une des pionnières de l’achat de pain brun et des céréales santé « Swiss ».  Si on était chanceuses (pas vraiment), elle nous faisait un bon jus santé de son extracteur à jus : pomme- carotte-céleri.  Ah, et il ne faut pas oublier la grosse cuillerée d’huile de foie de morue pour finaliser ce cocktail santé! (eurk!)

Elle avait un cœur d’or.  Elle recevait ses amis, nos amis, la famille,…tout le monde était toujours bienvenu.

Woman and child in swing

Maman jeune de cœur avec mon fils

Pour les concours de costumes d’Halloween, à l’école elle a souvent passé des nuits à me faire des costumes.  Souvent je n’arrivais pas à gagner les concours car les costumes de Gisèle étaient si bien faits qu’on les croyait loués!  J’ai donc été une bouteille de 7UP, une moufette (I know) et Kermit la grenouille (Sesame Street) entre autres.  Elle aurait probablement été une excellente designer mais elle a choisi d’être notre mère.

Gisèle était belle.  Elle ne portait pratiquement pas de maquillage et n’a jamais eu une ride.  Elle était coquette et féminine.  Souvent en jupe ou en robe, avec un petit soulier élégant.

Elle a toujours eu une santé de fer.  Je ne sais pas si c’était l’huile de foie de morue, la mélasse ou l’ail qu’elle mettait partout.  Est-ce que je vous ai dit qu’elle cuisinait merveilleusement bien?

Elle faisait la gentille rigolote mais une fois assise à la table de bridge avec les « femmes », elle surprenait souvent en gagnant la 1ère place!

J’ai adoré cette femme. 

Bride and mother smiling

Maman à mon mariage

C’est pour cette raison qu’en 2009 je lui ai consacré tout mon temps.  Pas toujours facile quand tu as un enfant de 8 ans.  C’était important pour moi de vous peindre son portrait car quand on parle d’une dame de 80 ans souvent on imagine une personne âgée sans importance.  C’est rarement le cas.  Les personnes âgées sont souvent des jeunes personnes prisonnières d’un vieux corps qui ne reflète pas la jeunesse de leur cœur.

En 2008-2009, j’ai déménagé ma mère 4 fois.  J’ai visité l’hôpital avec elle j’ai arrêté de compter le nombre de fois.  On lui avait diagnostiqué un cas d’Alzheimer.  Comme si ce n’était pas assez, son cancer du sein a récidivé.  J’étais brûlée, épuisée et mes sœurs aussi.  Mon cœur était brisé en mille morceaux.  Le médecin lui donnait de 3 à 6 mois.  Je ne pouvais imaginer ne plus la voir.  Mais je me comptais chanceuse de pouvoir être avec elle tous les jours.  Je restais très forte devant elle.  J’imaginais toujours le pire.  Je prenais toujours une grande respiration avant d’entrer dans la résidence et pourtant.  Croyez-le ou non, même à l’approche de sa mort, j’ai vécu les moments les plus purs avec elle.  Il y avait une connexion extraordinaire entre nous.

Souvent quand elle n’était pas malade, je suis triste de l’avouer mais je pense que je la prenais pour acquis.  Elle avait toujours été tellement en santé et elle avait toujours des petites joues roses que j’imaginais qu’elle allait certainement vivre jusqu’à 90, 100 ans.  Alors j’étais souvent pressée, parfois impatiente, pas vraiment présente.  Mais là maintenant que je savais que ses jours étaient comptés, elle avait toute mon attention.

J’avais peur d’entrer dans son appartement mais une fois là, je ne voulais plus la quitter.  Souvent elle dormait dans sa chambre et je restais dans la pièce à côté.  Je restais aussi souvent près d’elle à écrire.  J’avais l’impression que je ne faisais rien et pourtant le temps passait si vite.  Je voulais l’arrêter.

Une des dernières fois que j’étais avec elle, j’avais l’impression d’être avec mon enfant.  Je me suis couchée à côté d’elle en la gardant dans mes bras.  Elle ne parlait presque pas.  Cette fois-là, elle m’a dit doucement, « ça fait du bien ».  C’était un beau cadeau.  Une autre fois on s’est regardé, et j’ai senti plein d’amour dans ses yeux, elle m’a fait un beau sourire et m’a dit « ma Zabeth » le surnom qu’elle me donnait petite, j’ai eu un flashback, je me suis sentie comme si j’avais 5 ans.  Un amour incroyable m’a envahie.  Elle était bien là Gisèle, elle était bien là ma mère.

Le vendredi 13, quelques minutes avant minuit elle s’est éteinte.  Elle m’a tout donné et à mon tour j’ai essayé de tout lui donner.  On a fait le tour de notre amour.

 

Aujourd’hui, c’est le vendredi 13, 2020.

Ma sœur me demandait si j’étais triste.  La réponse est non.  C’est certain que j’aurais voulu garder ma mère pour toujours mais on sait que ce n’est pas possible.  C’est le cycle de la vie.  Avec le temps, on comprend et on l’accepte.

On attache beaucoup d’importance aux derniers moments de vie, mais ce qui compte c’est l’héritage qu’un parent nous laisse :  les bons souvenirs, les petits moments de bonheur, l’amour qu’on a ressenti, les bons repas qu’on a partagés, les leçons de vie et les valeurs qu’on pratiquera et les traditions qu’on continuera avec la prochaine génération.

Non, je ne suis pas triste parce que je la sens toujours là.  Je commence ma journée avec sa voix « n’oublie pas ton petit-déjeuner, c’est le repas le plus important de la journée » et étrangement je me retrouve à le répéter à mon tour à mon fils!  Toute la journée j’entends sa voix.

Woman and child on yellow slide

Maman heureuse Mammy

Elle est toujours là.  Dans ma routine de tous les jours, dans mes sœurs, ses sœurs, mes neveux, mon fils.  Dans chaque repas que je prépare, je me vois avec elle dans sa cuisine, heureuse à l’idée de rassembler tout le monde autour de ses bons plats et sa belle table.

On ne meurt pas.  Il y a une partie de leur énergie qui reste.  Je ne comprends pas tout, mais je sais que tant qu’il y a de l’amour on ne meurt jamais!

Attention à vous,

LiZ

 

 

2 replies
  1. Luc de France
    Luc de France says:

    Chère Liz
    Quel magnifique témoignage d’amour à la mémoire de cette mère que tu as tant aimé. Elle fut à l’origine de cette Fondation dont tu me parlais en préparant notre futur émission. Quelle chance tu as eu d’être ainsi si bellement accueillie dans la vie. Je rends hommage à cette Mère Superbe et qui oeuvra au service du Coeur sur cette Terre.
    Luc
    COeur&CO

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    • Elizabeth Peladeau
      Elizabeth Peladeau says:

      WOW! Quelle beau texte Luc, cela me va droit au cœur!
      Merci!
      Hâte que notre entrevue soit en ligne! Je vais l’inclure dans un prochain blogue, dans les prochains jours!

      Répondre

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